Défi relevé ! À 50 ans, Estelle Biant, maman de deux adolescentes, a entamé une nouvelle vie. Elle a rejoint la médiathèque le 9 octobre dernier en tant qu’assistante de conservation du patrimoine et des bibliothèques à l’espace adulte, après une reconversion. Cette femme nous explique avoir travaillé plus de 25 ans dans le milieu mutualiste avant de se lancer dans ce métier de bibliothécaire-documentaliste par passion.
Des mutuelles aux livres
Estelle Biant officiait pour une mutuelle en tant que consultant Systèmes d’information. Elle s’occupait de projets règlementaires (mise en place du 100% santé par le gouvernement) et fonctionnels (contractualisation, gestion des anomalies du système d’information…). C’était un métier exigeant en terme d’horaires et sans contact avec le public. Mais en 25 ans, le milieu a fortement évolué et s’est réorganisé… au fil du temps, son travail s’est éloigné des valeurs qu’elle apprécie… Le fort développement de l’aspect concurrentiel dans les mutuelles, le changement de valeurs du mutualisme, ainsi que la crise liée au COVID, l’ont poussée à envisager cette reconversion. « Les métiers du livre m’intéressent. J’avais déjà œuvré en tant que bénévole dans une bibliothèque pour tous, à Gif sur Yvette. J’ai été dans cette bibliothèque associative pendant un an, en 2003… ».
Avant de se lancer, Estelle a fait une étude métiers en 2022, avec des interviews de bibliothécaires. « Ils m’ont orientée vers une formation diplômante des métiers du livre de l’université Paris-Nanterre, mais situé à Saint-Cloud. J’ai obtenu le diplôme universitaire Technique documentaire et médiation culturelle en 2023 » raconte-t-elle. Elle postule dans plusieurs médiathèques, dont celle de Sèvres qu’elle connaissait pour y avoir fait un mois d’immersion pendant sa formation. Reconversion réussie donc… « Ceci dit c’est assez commun de trouver des gens en reconversion dans les bibliothèques » tempère-t-elle.
Un métier sans temps mort aux multiples facettes
Estelle Biant a rejoint l’espace Adultes, elle est en charge du fond
« Voyage et loisirs ». On y retrouve des documents tel que beaux livres, guides et récits de voyage, ouvrages sur les sports, livres de cuisine ou de loisirs créatifs, dvd documentaire, récits de voyage… Elle est également en charge de l’assistance aux « publics empêchés » : personnes âgées, personnes malvoyantes, personnes avec un handicap… Des documents adaptés existent pour ces utilisateurs (ouvrages à gros caractère, disque audio de livres…).
« Dans ce métier, il y a plusieurs aspects, il est partitionné – C’est un travail transverse, ou l’on peut être amené à conseiller le public, mettre en avant un livre dans un autre secteur que le nôtre, en appui d’un collègue. Les choix de livres à acheter se font en équipe. Ce n’est pas un travail où l’on s’ennuie » nous confie Estelle Biant. Le métier est bien loin de l’image des bibliothécaires lisant un livre en attendant le public. Certes, la mission la plus visible du public, c’est l’accueil (emprunt, retour) avec l’aspect conseil et recherche. Elle explique : « c’est un métier tourné vers le public. L’idée est de présenter au mieux ce qui peut interpeller les lecteurs, lui plaire ou susciter sa curiosité ».
Mais, lorsqu’elle n’est pas en accueil, Estelle Biant travaille à son bureau en back office. Ce travail de l’ombre est moins connu du grand public. Il consiste au « traitement intellectuel et physique des collections ». Il y a le travail de veille sur les sorties de livres, DVD, CD pour décider des livres que l’on peut acheter en fonction de l’appétence des publics. Il faut aussi réceptionner et enregistrer les documents arrivés (création de la côte et de la notice d’information pour le catalogue en ligne…). Vient ensuite le traitement physique du livre (couverture ou travail de reliure du livre, pose de la côte et de la gommette de secteur, rangement…).
Enfin, les bibliothécaires ont une mission de médiation culturelle, avec un travail préparatoire conséquent. Afin de rapprocher les usagers des supports présents dans la médiathèque, ils organisent des événements tout au long de l’année. Les bibliothécaires ont ainsi mis en avant la littérature pour enfants avec la manifestation Boutchou bouquine et présenté la rentrée littéraire à travers une matinale le 2 décembre dernier. Ils composent régulièrement des tables thématiques via le portail numérique ou directement dans les espaces de la médiathèque. Ils participent aux opérations locales et nationales (nuit de la lecture, la science se livre…) et proposent des pochettes surprises à emprunter.
Dans son espace, Estelle Biant a présenté une table spéciale Agnès Varda – objet d’une exposition à la Cinémathèque de Paris jusqu’au 27 janvier – avec une sélection de livres et de films. Cette médiation sert à faire venir le public et à faire découvrir des œuvres, et encore mieux a inciter à l’emprunt. Enthousiaste, Estelle Biant avoue qu’« une des premières satisfactions, c’est de voir qu’un ouvrage acquis va être emprunté. Cela donne de la valeur au travail des bibliothécaires. »

ENVIE DE LIRE ?
Retrouvez la sélection d’Estelle Biant
- Novecento : pianiste d’Alessandro Baricco (édition Gallimard).
Un voyage en bateau sur différentes mers du globe, rythmé par la musique et la poésie d’un très beau monologue dont le seul but est de nous conter l’histoire de celui qui est né avec le nouveau siècle et que l’on prénomme « Novencento » .
- À la ligne de Joseph Ponthus, (édition La table ronde)
Un livre singulier, par sa construction (sans ponctuation) qui est à la fois un journal intime, un manuel de résistance, un poème qui vous prend aux tripes, mais également un reportage sur la condition ouvrière dans la France d’aujourd’hui. Il raconte le quotidien de la vie « à l’usine » (ou « à la ligne » : expression qui signifie « à l’usine ») où le protagoniste se raccroche à ses souvenirs de lecture pour tenir (Appolinaire, Aragon, Alexandre Dumas). C’est un livre d’une grande beauté, qui ne laisse pas indifférent.
- Les ignorants d’Étienne Davodeau
Un récit croisé d’une rencontre entre un vigneron et un auteur de Bande Dessinée. Durant une année, on se balade dans les vignes et les terres d’Anjou, puis on se plonge dans le monde de la bande dessinée et quelques-uns de leurs auteurs. C’est un bel échange humaniste entre les deux hommes qui nous apprend beaucoup sur ces deux professions.
- Un peu de bois et d’acier de Chabouté
La petite histoire d’un banc public qui rejoint celles des individus raconté uniquement au travers des illustrations. Drôle et singulier : d’une grande poésie.