Rencontre avec huit femmes qui « font » Sèvres

Rencontre avec huit femmes qui « font » Sèvres

Portrait
Elles sont huit, comme le 8 mars. Huit femmes aux parcours de vie différents mais avec une seule et même envie : vivre pleinement leur vie de femme. Elles nous racontent comment elles ont grandi et sont devenues les femmes d’aujourd’hui.
Publié le 1 mars 2023 Modifié le 15 mars 2023

Sommaire

Coralie Soudères
  • Présidente de l’association Aux chats qui sourient

Je suis née à Sèvres en 1968. Après avoir effectué toute ma scolarité dans cette ville, j’ai décidé d’ouvrir ma boutique de mercerie. C’était notre rêve avec ma mère. Parallèlement, j’ai créé en 1996 l’association Aux chats qui sourient. À l’époque, il y avait de nombreux chats errants sur la ville, j’aime les animaux, et j’ai voulu me lancer dans cette aventure. Chaque jour, je m’occupe d’eux. Je crois que je n’ai pris qu’une semaine de vacances depuis 1988 ! Mes parents m’ont appris les principes de la vie à savoir le partage, le respect, ne pas faire de différence entre les gens. Une femme doit être libre de faire ce qu’elle veut avec son corps à notre époque. On évolue sur beaucoup de choses, mais là-dessus on n’a pas évolué.

La femme qui m’inspire
Sœur Emmanuelle et Mère Teresa. Les femmes qui laissent tout et qui donnent leur vie pour aider leur prochain.

Raymonde Gode
  • Institutrice retraitée

Je suis née le 5 février 1925 dans le Jardin du Luxembourg. Mes parents étaient tous les deux domestiques dans une maison bourgeoise, ils ne pouvaient pas me garder, je suis donc partie en nourrice dans l’Yonne jusqu’à l’âge de 6 ans, puis dans les Pyrénées Atlantiques pendant deux années avant de retrouver mes parents à Paris. J’ai été scolarisée, j’ai passé mes diplômes et je suis devenue institutrice. J’adore mon métier ! J’ai rencontré mon mari à 30 ans, à l’occasion d’un bal, et nous avons eu un fils, Jean-Michel. J’ai eu la chance de vivre avec un mari qui me laissait tout faire, ce n’était pas le cas de mes amies. J’étais très indépendante, je gérais mon propre argent, je sortais au cinéma, au palais de Chaillot. Et pour notre voyage de noce, nous sommes partis en scooter en Yougoslavie pendant 5 semaines. A l’époque, ça ne se faisait pas vraiment (ndlr : rire). Vous savez, c’est grâce à mon mari que je suis qui je suis aujourd’hui, car il m’a laissé vivre. J’ai assisté aux noces d’or de cousins, et le maire qui officiait a choisi de mettre en avant dans son discours, l’évolution des droits des femmes en 50 années avec le droit de vote accordé en 1945 ! Puis la lutte pour le droit à la contraception avec l’arrivée de la pilule et à l’avortement, la loi portant sur les régimes matrimoniaux… La jeune génération a beaucoup de chance de vivre à cette époque !

La femme qui m’inspire
Il y en a deux : mes cousines. Elles ont été bonnes chez des particuliers mais ont toujours vécu avec beaucoup de bonheur et beaucoup de simplicité. C’est très important de savoir être heureux.

Valérie Jouault
  • Propriétaire du café La Sévrienne

Je travaille dans cet établissement depuis 1993. C’est mon père qui l’a acheté en 1990, j’ai commencé à travailler avec lui à l’âge de 27 ans, après m’être formée pendant 8 années au Bistro Romain. Je suis partie quelques mois en raison de la clientèle de l’époque, bien différente de celle d’aujourd’hui. J’étais jeune, c’était compliqué de travailler avec tous ces hommes.
Et je suis revenue quand mon père a ouvert la partie restaurant. Je ne suis plus repartie. Aujourd’hui, je continue de travailler en famille, avec ma sœur. C’est vrai que c’est un métier difficile (on transporte des fûts, on travaille beaucoup), mais j’aime mon métier. Les femmes ont la chance de pouvoir faire les métiers qu’elles exercent aujourd’hui, et c’est tant mieux.

La femme qui m’inspire
Ma mère. C’était une belle femme, elle nous a éduquées ma sœur et moi en prônant les notions de liberté, d’échange, de bien vivre. Elle a été une mère formidable, et a toujours été là pour nous.

Andrée Fagué
  • Chimiste retraitée

Je suis née à Alger le 1er janvier 1933. Nous sommes revenus en France avec mes parents en 1948.
J’ai poursuivi mes études jusqu’à rentrer dans une école de chimie à Paris à 18 ans. Malheureusement, ma mère est décédée et j’ai dû retourner chez moi m’occuper de mes 6 frères et sœurs. J’ai été mariée une première fois à 25 ans, puis j’ai divorcé de mon mari au bout de 4 ans. Ca n’était pas très bien vu à l’époque. Puis, j’ai rencontré mon mari Serge. J’ai pu travailler comme chimiste, j’avais des hommes sous mes ordres. Cela s’est toujours bien passé. Que nous soyons un homme ou une femme, je pense qu’il faut travailler quand on veut réussir. Il faut s’investir à 100%, c’est un peu ce que je dirais aux jeunes générations.

La femme qui m’inspire
Je suis étonnée moi-même, personne ne m’a inspirée.

Juliette Laurence
  • Céramiste à la Manufacture de Sèvres

J’ai 25 ans, je viens de Rodez dans l’Aveyron. J’ai toujours été attirée par le côté créatif. Dès petite, j’ai toujours dessiné et je me suis orientée rapidement vers une filière artistique. J’ai découvert la céramique à l’occasion d’une exposition : j’ai été frappée par la diversité de rendus possible. Ça été le déclic. J’ai donc choisi de faire un Diplôme de Métier d’Art en venant au lycée Jean-Pierre-Vernant à Sèvres. C’est à cette occasion que j’ai découvert cette magnifique Manufacture. Un concours a été ouvert, je l’ai tenté, et j’ai décroché ce poste. Dans mon métier, les hommes sont présents en grand nombre dans certains ateliers comme le tournage. Mais, je ne suis pas vraiment touchée par cet aspect « patriarcal » dans mon atelier.
Aujourd’hui, je trouve que la femme prend plus de place, notre société lui donne le courage de se sentir légitime. Et puis, quand tu vois des femmes réussir, cela te donne envie de faire pareil.

La femme qui m’inspire
Ma tante ! Elle s’est complètement détachée de son foyer à l’âge de 17 ans pour partir à la capitale. Elle a beaucoup de force de caractère.

Lidia Saborano appelée «Lili»
  • Poissonnière au marché Saint-Romain

Je suis née au Portugal sur une plage (ma famille est pêcheur sauf mon père) mais j’ai vécu en France. J’ai toujours voulu être pêcheuse, mais n’ayant pas le droit, j’ai décidé d’être poissonnière.
À l’époque, les femmes n’avaient pas le droit de travailler sur les bateaux. Malheureusement mon père ne voulait pas que je travaille dans ce domaine. J’ai donc commencé des études d’architecte, et le week-end, je travaillais sur le marché en tant que poissonnière pour me faire de l’argent de poche. À 24 ans, j’ai tout plaqué, j’ai dit à mon père que je voulais être poissonnière. J’aime ce métier-là. Je suis arrivée sur ce marché en 1998. Sur les marchés, on est une famille, il n’y a pas vraiment de différence entre les femmes et les hommes. Il y a beaucoup de respect ici.
Je suis maman de 4 filles que j’ai élevées toute seule en exerçant mon métier. Il fallait être vraiment organisée, je pense que cela vient de ma force de caractère. J’ai toujours dit à mes filles de ne pas dépendre d’un homme.

La femme qui m’inspire
J’ai envie de vous dire Mimi Mathy. C’est quelqu’un qui a du courage, qui est rigolote, et qui assume sa différence.

Patricia Moukouri Epée
  • Commandant de police

Je suis originaire de province, j’ai passé le concours de gardien de la Paix en 1994.
J’ai donc choisi le 14e arrondissement à Paris où pendant quelques années, j’ai exercé des missions de voies publiques, puis d’opérateur radio. Par la suite, je suis rentrée à l’école d’officier pour passer le concours de lieutenant de police. A l’issue de ce concours, j’ai intégré la police d’Amiens en tant qu’officier au quart. J’ai souhaité revenir en région parisienne, dans le 18e arrondissement tout d’abord puis à Sèvres depuis 2014. Je suis responsable des effectifs de voie publique, une cinquantaine de personnes. La femme a tout a fait sa place dans la police, et ce qui est intéressant est la variété des métiers que nous pouvons exercer, avec un seul et même objectif : aider les victimes. C’est ce qui m’a poussée à rentrer dans la police.

La femme qui m’inspire
Ma mère. C’était une femme exceptionnelle qui a su élever avec mon père, ses trois enfants tout en exerçant un métier très difficile, celui d’infirmière en psychiatrie.

Anne Texier
Première maire adjointe de la ville de Sèvres

Le Sévrien : Le 8 mars prochain sera célébrée comme chaque année, la Journée internationale des droits des femmes. En tant que 1re maire adjointe à la ville de Sèvres, que vous exprime cette journée ?
Anne Texier : J’ai conscience d’avoir la chance de vivre dans un pays, et à une époque, où la question des droits des femmes se pose certainement avec moins d’acuité qu’ailleurs dans le monde. J’ai pu faire les études que je voulais, exercer le métier que je souhaitais, et je n’étais pas une exception. Mes deux filles, bientôt adultes maintenant, grandissent avec les mêmes ambitions que leurs camarades garçons et n’ont pas rencontré jusqu’à présent de frein du fait d’être des femmes. Je n’idéalise pas le tableau : il y a encore des situations scandaleuses et beaucoup de chantiers à mener pour que les femmes aient la possibilité d’exploiter pleinement leur potentiel, sans se freiner elles-mêmes, sans peur, sans menace… Chaque féminicide par exemple est un aveu d’échec. Cette journée internationale des droits des femmes nous rappelle qu’il ne faut jamais relâcher la vigilance. Et que ce qui est devenu globalement une évidence en France ne l’est pas partout ailleurs dans le monde. Pour moi, l’éducation et la scolarisation des filles sont des chantiers prioritaires pour faire évoluer les sociétés et renforcer les droits des femmes.

 

Le Sévrien : Nous parlons de plus en plus de la parité hommes – femmes. En France, il aura fallu une loi, votée en l’an 2000, pour obliger les partis politiques à inscrire autant de femmes que d’hommes sur les listes électorales. La parité pour vous, est-elle une évidence ?
Anne Texier : J’aimerais dans un monde idéal que les femmes, comme les hommes, puissent indifféremment accéder aux responsabilités, suivant leur appétence et leurs compétences, sans avoir besoin d’une loi pour ça. Mais on ne vit pas dans un monde idéal ! Cette loi sur la parité a permis à de nombreuses femmes, qui n’auraient peut-être pas osé le faire autrement, ou à qui on n’aurait pas donné cette chance, de se lancer en politique. Je crois que la société y gagne.

 

Le Sévrien : Vous êtes également maman de 4 enfants. Est-ce difficile de mener tambour battant, la vie politique et la vie familiale ?
Anne Texier : Ce n’est pas plus difficile que pour n’importe quelle mère de famille, même si les nombreuses réunions le soir amènent une complexité supplémentaire dans l’emploi du temps des femmes qui sont engagées en politique. Il faut une bonne organisation et savoir lâcher prise sur ce qui n’est pas essentiel. Et il n’y a pas beaucoup de temps morts !

 

Le Sévrien : Que diriez-vous aux jeunes générations ? À celles qui souhaiteraient se lancer dans la politique ?
Anne Texier : La société a besoin de vous, de votre regard et de votre engagement ! Et c’est passionnant…