L’époque des blanchisseries à Sèvres

L’époque des blanchisseries à Sèvres

Histoire et patrimoine
Chaque mois, le Sévrien vous propose, avec les Archives de la ville, de revivre une période de notre histoire. Ce mois-ci, retour sur une époque où les blanchisseries faisaient partie du paysage sévrien.
Publié le 29 septembre 2023 Modifié le 8 novembre 2023

Sommaire

Si de nos jours chaque foyer dispose de l’eau courante ainsi que d’une machine à laver, ce n’était pas le cas au début du XIXe siècle. Donner son linge à une blanchisserie faisait partie de la vie quotidienne.
Les blanchisseurs ont toujours été prospères dans la région parisienne. En 1900, on en comptait 400 à Boulogne-Billancourt, 100 à Rueil, 60 à Chaville et 55 à Sèvres. Entre 1870 et 1890, les blanchisseurs sévriens étaient même au nombre de 80.
Sèvres disposait des deux conditions nécessaires à l’établissement des blanchisseurs : l’eau et la clientèle. L’eau, abondante à Sèvres est fournie soit par des puits soit par une dérivation de l’eau des fossés de l’ancien château. Au début de la blanchisserie, le Ru de Marivel a joué un rôle non négligeable. Ainsi, plusieurs blanchisseries sont traversées par cette rivière. Mais très vite, le Rû sera comblé et deviendra le rassemblement des eaux usées. Sèvres présente aussi une multitude de fontaines et de sources. Aux fontaines s’adjoignent souvent des lavoirs communaux. On peut ainsi citer les lavoirs de la fontaine Saint-Germain, de la fontaine d’Amour ou le lavoir Gallardon largement fréquentés par les laveuses travaillant pour des repasseuses mais aussi par les ménagères.
La clientèle est aussi nombreuse. Sèvres jouit de sa situation géographique. Entre Paris et Versailles, elle attire une riche clientèle issue des coteaux sévriens mais aussi des maisons bourgeoises de Saint-Cloud. S’ajoute également une clientèle plus modeste constituée des commerçants (barbiers, bouchers, coiffeurs), des ouvriers et des collectivités environnantes (restaurants, hôpitaux).
Les blanchisseries sont de petites entreprises. Elles emploient en moyenne 10 à 30 ouvriers.
À Sèvres, elles se situent autour de trois zones : le bas de Sèvres qui bénéficie de la proximité de la Seine et des bateaux-lavoirs, le centre de Sèvres et la place de Gallardon.

Le métier de blanchisseur jusqu’à 1914

Le métier de blanchisseur est un métier technique qui demande de la pratique. Le linge est d’abord trié : linge de lit d’un côté, linge de corps de l’autre. Les laveuses portent ensuite le linge au lavoir, lieu de socialisation où les chants et les invectives rythment leur quotidien. Dans ces lavoirs, le linge est immergé puis traité avec du savon, ce procédé est nommé l’essangeage.
Après avoir été brossé et essoré au battoir, le linge subit l’étape de l’encuvage. Il est placé dans des containers fait de bois de sapin, de métal ou de ciment et recouvert de « charniers », sorte de draps épais. On y ajoute des cendres et une eau lessiveuse préalablement chauffée dans des chaudières à bois ou à charbon afin de retirer les taches les plus tenaces. Après un rinçage toujours effectué à la main, le linge est mis à sécher. Les coteaux de Sèvres ont été les premiers lieux de séchage du linge mais l’arrivée du chemin de fer vers 1840 a conduit les blanchisseurs à opter pour les greniers, terrasses et pièces chauffées. Dès lors, les blanchisseries se dotent d’un système à clairevoies pour les étendoirs et d’une cheminée pour favoriser le séchage du linge.

Déclin des blanchisseries après la première Guerre mondiale

Dans les années 1860 apparaît à Sèvres où elle fut créée, la
« dégueuleuse », appareil octogonal placé horizontalement avec une légère pente. Le linge parcourt toute la longueur de l’octogone et s’échappe à l’extrémité par une ouverture ; c’est un bon appareil qui a été très employé. Entre 1856 et 1864, une quinzaine de blanchisseries va bénéficier des machines à vapeur pour faire fonctionner leurs équipements ou pomper l’eau. Le personnel est spécialisé, les gestes d’une grande précision. Les hommes sont « chauffeurs », ils s’occupent de surveiller les chaudières, les femmes sont laveuses ou repasseuses. Malgré des conditions de travail pénible, le salaire reste convenable (en 1850, 1 Franc par jour, nourriture incluse et 4 Francs par jour en 1910).
Après la Première Guerre mondiale, le secteur de la blanchisserie va
subir un long déclin. Seules 51 blanchisseries restent à Sèvres en 1918. La main d’œuvre est de plus en plus chère. Chaque foyer a désormais accès à l’eau courante. La clientèle bourgeoise parisienne se détourne progressivement de Sèvres au profit des villes voisines comme Boulogne, Suresnes ou Puteaux qui arrivent à mieux s’adapter aux nouvelles techniques. L’arrivée de la machine à laver et des laveries automatiques aura raison de la profession. De la cinquantaine de blanchisseries en 1945, deux seulement survivront jusqu’au début des années 2000 : les entreprises Gervais, rue des Bois et Lorin au 154-156, Grande Rue.