Gustave Eiffel, le météorologue de Sèvres

Gustave Eiffel, le météorologue de Sèvres

Histoire et patrimoine
Personnalités de Sèvres
Le Sévrien vous propose, avec les Archives de la ville, de vous replonger dans l'histoire de notre ville. Ce mois-ci est célébré le centenaire de la disparition de Gustave Eiffel. A Sèvres, il installa une station météorologique dans son château des Bruyères.
Publié le 1 décembre 2023 Modifié le 27 décembre 2023

Sommaire

Il y a 100 ans, le 27 décembre 1923, s’éteignait Gustave Eiffel à l’âge de 91 ans. Celui qui est connu mondialement pour la Tour qui porte son nom, était aussi un savant, un scientifique et un météorologue. À Sèvres, il ne se rendit pas célèbre pour ses talents de grand bâtisseur, mais pour sa station météorologique qu’il installa dans son château des Bruyères. Cette période de sa vie arrive après les succès de ses constructions complexes et esthétiquement parfaites vont laisser place à une vie plus paisible de savant et de chercheur.

Bâtisseur renommé, Gustave Eiffel ne mettra qu’un peu plus de deux ans pour ériger la Tour Eiffel entre janvier 1887 et mars 1889. Son triomphe à l’Exposition universelle de 1889 est à son paroxysme. Il se voit décerner la Légion d’honneur et on lui confie une autre mission d’importance, la construction des écluses du canal de Panama. Mais la Compagnie du canal de Panama va vite être liée à un gros scandale financier et de corruption. Ferdinand de Lesseps, à la tête du projet, est le premier visé. Le scandale de Panama va aussi éclabousser d’autres hommes politiques et des ingénieurs. Parmi ces personnalités, se trouve Gustave Eiffel. Ce dernier est condamné en première instance à deux ans de prison et 20 000 francs d’amende. Son avocat, Pierre Waldeck-Rousseau réussit à le faire mettre hors de cause. Gustave Eiffel reste toutefois particulièrement marqué par cette affaire et décide en 1890 d’abandonner ses bureaux d’études pour trois domaines scientifiques qui l’intéressent particulièrement : la météorologie, la radiotélégraphie et l’aérodynamique.

C’est à cette époque qu’il s’installera à Sèvres d’abord sur le coteau de Croix-Bosset puis au château des Bruyères qu’il achètera. Le château des Bruyères avait été construit par Alphonse Loubat, maire de Sèvres entre 1854 et 1855, et aussi, inventeur du tramway reliant Paris à Versailles. Il avait fait construire un château dans le quartier des Bruyères. Gustave Eiffel l’acheta en 1890.

La station météorologique de Sèvres

C’est dans son château des Bruyères qu’il va lancer sa nouvelle carrière, faite de recherches appliquées dans le domaine de la résistance de l’air et d’études sur la météorologie, domaines qui s’étaient imposés à lui lors de ses précédents travaux. Cette recherche avait un double but. Tout d’abord, elle devait fournir aux ingénieurs des données physiques fiables pour l’établissement des ouvrages d’art en prenant en compte les perturbations causées par la pression des vents. D’autre part, le bail initial de la Tour Eiffel étant de 20 ans, elle devait ensuite être détruite. Gustave Eiffel réussira à montrer avec ses travaux météorologiques, l’utilité de la Tour Eiffel et assurera ainsi sa postérité. Le château devient un vrai laboratoire de recherches météo lui permettant de multiplier ses essais et ses observations sur les variations du temps.

Gustave Eiffel va bouleverser la façon traditionnelle de mesurer ces variations. D’habitude, pour mesurer les températures d’une journée, d’un mois ou d’une saison, on établissait des températures «moyennes». Pour Gustave Eiffel, ce calcul ne suffisait pas. Pour lui, il ne fallait plus définir les climats par ses moyennes, mais par ses extrêmes. Par exemple, avec les moyennes, New-York et Paris avaient une température similaire, mais en mesurant les extrêmes (température la plus haute du jour et la plus basse de la nuit), Paris avait alors un climat plus doux que celui de New-York. Il observa que les mesures extrêmes fournies par les instruments de mesure traditionnels ne permettaient pas de les rapporter à une heure précise, ce qui posait problème dans sa démonstration.

Gustave Eiffel va faire appel à Jules Richard, un célèbre horloger à la tête de la société Richard Frères. Il va lui confectionner des appareils enregistreurs dotés d’un mouvement d’horlogerie. Jules Richard avait inventé un instrument de mesures, le barographe ou le baromètre-enregistreur. Doté de mesures plus précises, l’appareil séduit Gustave Eiffel qui l’installa dans son château des Bruyères. Il ajouta également une girouette de Richard Frères à 16 directions placée sur le paratonnerre du château. L’ensemble des appareils de mesures météorologiques sont protégés dans différents abris montés sur la vaste pelouse du château des Bruyères. L’un de ces abris deviendra d’ailleurs « l’abri-type de Sèvres».

Gustave Eiffel laisse derrière lui un atlas de la météo

La station météorologique de Sèvres ne fut pas la seule et Gustave Eiffel en installa dans ses autres propriétés comme dans sa villa de Salles à Beaulieu-sur-Mer en 1901, à Vacquey près de Bordeaux en 1902 ou encore à Ploumanac’h, en Bretagne en 1906. Dans ses propriétés, le personnel sédentaire est formé à l’entretien des appareils météorologiques. Ainsi, pour sa station de Sèvres, c’est son chef jardinier, M. Chelles qui a cette charge.

Gustave Eiffel commence ses premiers relevés en décembre 1891. Dans un premier temps, il s’intéresse à la température, l’humidité dans l’air, la vitesse moyenne et la direction du vent. À partir de décembre 1896, il étudiera et mesurera également les divers phénomènes météorologiques (pluie, neige, rosée). La station de Sèvres, était également idéale pour mesurer les brouillards, car elle était située dans ce qui est appelé en météorologie un thalweg. Un thalweg est une zone de creux dépressionnaire.

Grâce à son nouveau système de mesures, Gustave Eiffel, établit des tableaux et des graphiques comparant les températures moyennes avec les extrêmes. On peut ainsi constater que sur la période 1891-1901, c’est vers le 10 janvier qu’il faisait le plus froid à Sèvres avec une température de -11,5 degrés, le 4 janvier 1894. La période la plus chaude se situe, elle, autour du 20 juillet avec une température de 28 degrés, le 20 juillet 1900.

Pendant dix ans, dans son laboratoire de Sèvres, Gustave Eiffel publie ses résultats puis de 1906 à 1912, il édite à son compte, un luxueux atlas météo réunissant les données de 25 stations françaises.

Gustave Eiffel, enrichit par ses grandes réalisations, n’en restait pas moins intéressé par la vie sociale et souhaitait améliorer la vie de ses contemporains. À Sèvres, il installa une salle d’opération dans l’hôpital-hospice et par testament en date du 13 août 1906, il fit don d’une somme de 25 000 francs pour le service de chirurgie, acceptée après sa mort par le Conseil municipal.

Gustave Eiffel décéda le 27 décembre 1923. Il ne reste aujourd’hui plus rien de son château des Bruyères. Il fut saccagé par les Allemands en 1940. Après la guerre, il abrita des réfugiés puis fut vendu par les héritiers de Gustave Eiffel. Un projet immobilier composé de lotissements vit le jour, baptisé le « Parc Eiffel ». La propriété n’a conservé d’intact que le parc et quelques arbres.