Qui étaient Goéland et Pingouin ?

Qui étaient Goéland et Pingouin ?

Personnalités de Sèvres
Le Sévrien vous propose, avec les Archives de la ville, de vous replonger dans l’histoire de notre ville. Ce mois-ci, nous vous proposons de découvrir Yvonne et Roger Hagnauer, surnommés Goéland et Pingouin, qui ont fondé en 1941, la Maison d’enfants de Sèvres…
Publié le 28 février 2024 Modifié le 27 mars 2024

Sommaire

Les surnoms de « Goéland » et « Pingouin » font référence à Yvonne et Roger Hagnauer, qui dirigèrent entre 1941 et 1958, une Maison d’enfants à l’emplacement même de l’actuelle école Croix Bosset. Cette maison est à la fois un lieu d’expérimentation de l’Education nouvelle fondée sur le développement personnel mais surtout un refuge pour de nombreux enfants victimes de la guerre et de l’Occupation.

C’est sur le site du n°14 de la rue Croix Bosset qu’a été ouvert durant la seconde moitié du XIXe siècle un établissement religieux d’hommes, auquel succéda un couvent de novices des Oblates de l’Assomption. Vendue à plusieurs reprises, la propriété accueille début 1941 des stages des centres d’entraînement aux méthodes de pédagogie active, puis durant l’été des colonies du Secours national, organisme philanthropique réactivé par le maréchal Pétain.

C’est en octobre qu’Yvonne Hagnauer, enseignante engagée d’origine bretonne, rejointe par son mari Roger Hagnauer, prend la tête de ce qui devient une Maison d’enfants, censée poursuivre l’œuvre des colonies. Le couple, radié de l’enseignement public par les lois de Vichy, partage un esprit militant syndicaliste, pacifiste et libertaire et un intérêt pour les méthodes de l’Education nouvelle. Les premiers pensionnaires seront les enfants que personne n’est venu chercher à la fin de l’été, leurs parents ayant disparu durant l’exode, ayant dû partir en Allemagne ou les ayant abandonnés. Vont les rejoindre, à partir de 1942, les enfants juifs français et étrangers contraints de se cacher, mais également ceux issus de familles résistantes ou en difficulté, ou encore des orphelins.

Yvonne et Roger Hagnauer ou les méthodes de l’Education nouvelle

L’école compte en 1942, 70 enfants, ils seront 150 en 1943 dont les deux tiers d’origine juive. Pour les protéger, les enfants disposent de faux papiers. Le personnel éducatif selon l’inspiration scout, porte quant à lui un surnom ou un totem souvent relié à un animal ou à la nature. C’est ainsi qu’Yvonne et Roger Hagnauer sont restés pour tous « Goéland » et « Pingouin ».

L’équipe enseignante se constitue également d’adultes victimes de la répression, proscrits du régime de Vichy, réfractaires au STO. Parmi eux, un certain Marcel Mangel, comédien résistant connu par la suite comme le mime Marceau. Celui qui porte alors dans la Maison le surnom de « Kangourou », enseigne le théâtre aux enfants. Il les fait rire et oublier les horreurs qu’ils ont subies.

En 1943, Yvonne Hagnauer se retrouve seule, son mari Roger, d’origine israélite doit fuir Paris. Elle fait tout son possible pour assurer le ravitaillement, apporter les soins nécessaires, avec l’appui d’un réseau de relations et de soutiens dont l’Entraide d’Hiver (direction parisienne du Secours national). La Maison d’enfants de Sèvres devient un lieu d’expérimentation de l’Education nouvelle fondée sur le développement personnel. Une grande place est donnée à la découverte et l’éveil par les arts : céramique, imprimerie, dessin, danse, marionnettes, chant, musique, etc. Les enfants apprennent la vie en communauté, le partage, et développent le sens des responsabilités individuelles et collectives. La Maison devient une véritable institution où chaque élève peut gérer ses cours et ses activités extra-scolaires de façon autonome. Les enfants ne peuvent prendre de décisions qu’après un vote à main levé au sein d’un conseil. A la tête de cette organisation appelée la Petite République, Yvonne Hagnauer nomme souvent un enfant comme président. La Petite République dispose aussi d’un journal géré également par les enfants : Voile au Vent.  Roger Hagnauer disait dans un article de Voile au Vent, relaté par les Amis de la Maison des enfants de Sèvres : « Ensemble, nous avons appris bien mieux que dans un livre. Ensemble, nous avons compris qu’il faut aimer pour vivre ».

La maison des Enfants de Sèvres

Après la guerre, la Maison des enfants de Sèvres continue d’être un lieu d’accueil et d’enseignement innovant et une véritable famille pour nombre d’enfants. En 1958, la Maison déménage au château de Bussières (située au 17, avenue Eiffel à Meudon). Elle reste dirigée par les Hagnauer jusqu’à leur retraite en 1971. Yvonne Hagnauer s’éteint en 1985 quelques mois seulement avant son mari. Elle reçoit le grade de chevalier de la Légion d’Honneur et la Médaille des Justes, distinction attribuée à des non-juifs ayant sauvé des juifs au péril de leur vie.

La ville acquiert la propriété en 1957. La place manque à l’école Gambetta et en 1960, on décide de créer un nouveau groupe scolaire à Croix Bosset, l’établissement ouvre en 1961. En 2005, une plaque commémorative est apposée devant l’école en hommage à Yvonne et Roger Hagnauer.

Inauguration du nom de l’école maternelle « Goéland et Pingouin »

Samedi 9 mars à 10h, les Sévriens sont conviés à l’inauguration du nom de l’école maternelle « Goéland et Pingouin » en présence du maire de Sèvres Grégoire de La Roncière et Anne Texier, 1re adjointe au maire déléguée aux affaires scolaires et services numériques. Ce sera l’occasion pour les élèves de l’école et leurs parents de connaître et saluer la mémoire d’Yvonne et Roger Hagnauer.