Portraits croisés : Paule Robinet et Georges Meisner

Portraits croisés : Paule Robinet et Georges Meisner

Portrait
A l’occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la Déportation, Paule Robinet et Georges Meisner ont accepté de nous ouvrir leurs portes. Portraits croisés d’une déportée résistante et d’un enfant caché…
Publié le 24 avril 2022 Modifié le 27 avril 2022

Sommaire

Ils s’appellent Paule Robinet et Georges Meisner… Tous deux vivent à Sèvres. Tous deux ont traversé une période tragique dans leur enfance et adolescence. Cette période, peu de gens la connaissent, même au sein de leurs familles. À l’occasion de cette Journée nationale, ils ont pourtant accepté de se confier avec beaucoup d’humilité.

«Ma jeunesse, je l’ai passée à Angers… C’était avant 40, c’était la guerre d’Espagne. La population était mobilisée pour mettre en place des collectes alimentaires à destination des Espagnols, comme nous faisons d’ailleurs pour les Ukrainiens en ce moment. J’étais un peu politisée à cette époque » se rappelle Paule Robinet.

Assise dans le fauteuil de son appartement sévrien, elle se livre de sa voix douce et tremblante sur ces années angevines. «Dès le début de la guerre, pendant l’occupation allemande, avec quelques amis restés sur place, nous avons commencé à rédiger des tracts qu’on envoyait par la Poste. Les distribuer dans la rue, on n’avait pas le courage. On essayait d’attirer l’attention des gens tout en restant discrets».

Dès décembre 1941, les premières arrestations commencent, parmi lesquelles la sœur de Paule, et un ami très cher, qui furent transportés à la Prison de la santé à Paris. Un procès s’est tenu et une dizaine d’entre eux a été fusillée dont cet ami. Il avait 20 ans.

À la même époque, Georges Meisner alors âgé seulement de 7 ans, vivait déjà caché dans un petit village du Cher : « Je suis né à Paris et vivait avec mes parents, 15, passage Courtois dans le 11e arrondissement. Mon père d’origine hongroise et polonaise, tout comme ma mère, s’est engagé dans l’armée française pour être naturalisé. Il intégra en 1939 un régiment de volontaires étrangers composé de Juifs et d’Espagnols et se fera arrêter par les Allemands.

Dès le début de la guerre, en 1940, ma mère me fit cacher, j’ai quitté Paris à ce moment-là. Ma mère a été arrêtée en 1943 avec ma grand-mère. Elles ont été embarquées à Drancy pour Auschwitz par le convoi 69. Arrivée sur place, ma grand-mère (65 ans) a été envoyée directement dans la chambre à gaz. Ma mère quant à elle, a survécu au camp ».

Hébergé dans plusieurs familles, Georges Meisner passera en zone libre à Vierzon en 1941. «Là-bas, je suis resté quelques jours dans une famille de cheminots communistes, avant de partir dans l’Indre et enfin, d’arriver à Saint-Étienne où je suis resté presqu’une année. Dans n’importe quel lieu où je me trouvais, j’avais la chance d’aller à l’école ».

Apprendre à se recontruire

Pendant ce temps, à Angers, Paule Robinet poursuit la résistance. En juillet 1943, elle est arrêtée à son tour, chez elle. Paule sera transférée au camp de transit de Compiègne avant de partir en janvier 1944, dans un convoi de 800 femmes pour Ravensbrück.

«Nous étions entassées dans des wagons à bestiaux. Je me suis retrouvée avec ma directrice d’école, mon professeur d’anglais. Il y avait aussi Geneviève de Gaulle… Sur place, nous sommes dépouillées de nos vêtements, nos cheveux sont rasés, je reçois des vêtements rayés sales, un fichu pour la tête qui avait un énorme trou. Les journées se succèdent entre les appels interminables, debout dans le froid, et les travaux forcés».

Puis, en mai 1944, une sélection a lieu : les plus solides sont envoyées en Tchécoslovaquie pour le camp de travail de Holleischen. Paule est parmi les 150 déportées vers cette ancienne ferme. Elle y restera jusqu’à la fin de la guerre, délivrée par des résistants polonais en mai 1945, puis reviendra chez elle à Angers pour se reconstruire…

Georges Meisner est quant à lui, passé à côté de la mort. Alors qu’un déluge de bombes s’abat sur la ville de Saint-Étienne le 26 mai 1944, l’école publique Tardy dans lequel il se trouvait est frappée de plein fouet. Huit instituteurs et 24 enfants vont périr dans les caves de l’établissement, ensevelis par les murs sous l’effet des explosions.

« J’ai réussi à me sortir de là. À la fin de la guerre, on m’a transporté de nouveau à Vendoeuvres où ma mère est venue me récupérer. Je ne savais pas que mes parents avaient réussi à survivre à ces années d’horreur et d’atrocité. Nous nous sommes retrouvés tous les trois à Paris à la fin de la guerre. Et chacun, à sa façon, a essayé d’apprendre de nouveau à vivre ».